Ça sonne ! Marc sursaute. Tout en attendant son rendez-vous, il fredonnait les paroles d’une chanson, écrites durant la nuit. Vite, il monte les marches, traverse le double-living et se dirige vers la porte d’entrée. Être chasseur immobilier chez Perle Rare n’empêche pas d’être mélomane et musicien amateur ! Le client qu’il attend est saxophoniste de jazz : il rentre d’une tournée de huit semaines avec son groupe. L’appartement qu’il recherche est celui dont rêve tout musicien citadin : un souplex ! Aménagé sur deux niveaux, il correspond généralement à un rez-de-chaussée avec une partie en sous-sol : une ancienne cave, un entrepôt, voire une chaufferie. « Aucun risque de déranger votre voisinage si vous souhaitez jouer des heures et des nuits entières ! Le bémol : aucune vue, voire même ouverture. » Toutes ces explications, Marc avait pris le soin de les donner à William, son client, lors de leur première entrevue. La seule exigence de ce dernier : « Avoir un minimum de travaux et contrôler qu’il n’y ait absolument aucune humidité et surtout une bonne aération. Pour le reste, je vous laisse carte blanche. Entre musiciens, on se comprend. » Pour cette première visite, Marc est confiant sur le potentiel du bien qu’il propose. Il ouvre la porte. La visite peut commencer. Le rez-de-chaussée avec l’immense living et la cuisine ouverte sont inspectés en moins de dix minutes, de même la chambre avec sa salle de bains intégrée, semble ne pas l’intéresser plus que cela. « Alors ce sous-sol ? Ne me faites pas patienter davantage, Marc Je veux voir mon futur studio ! » Au centre de l’entrée, une balustrade en colimaçon ; une plaque de verre dépolie permet d’entrevoir la pièce inférieure. Il faut descendre une quinzaine de marches. « Aménagé dans une ancienne cave voutée avec des pierres apparentes, l’ensemble parfaitement isolé fait une surface de 40 mètres carrés. L’aménagement date non pas des propriétaires actuels mais de leur prédécesseur : un sculpteur. Il en avait fait son atelier. Depuis 10 ans, l’art a cédé à une autre culture ! Ils en avaient fait leur salle de sports. Vu qu’ils partent à l’étranger, ils n’ont pas encore eu le temps de faire enlever tout le matériel : altères, rameurs et tapis de course ! », commente Marc. Contre toute attente, William se met à faire des vocalises. Effet garanti. Il enjoint ce dernier de chanter en duo avec lui, et les voici à improviser un canon. Même si l’acoustique n’est pas celle d’un studio, la pièce est parfaitement insonorisée. Conquis, il souhaite revenir dès le lendemain avec son instrument et s’assurer qu’il s’y sente à l’aise. Hormis de petits spots avec un variateur pour l’éclairage, un changement de matériau pour le sol moins froid que le béton ciré, le souplex a tous les atouts pour accueillir le jazzman. Point d’orgue de cette histoire d’appartement : une complicité musicale avec la sortie d’un single co-signé six mois après cette rencontre professionnelle. C’est William qui fit l’arrangement de la chanson composée par Marc… sur un air de blues !
Par Florence Batisse-Pichet – Illustration Marilou Laure